Le XVIIe siècle

Friday, December 05, 2008

La tragédie classique

La tragédie n'existe pas pendant le Moyen Âge français. Elle renaît au cours du XVIe siècle suite à la relecture des tragiques anciens. Elle se transforme tout au cours du XVIe et du XVIIe siècle. Elle évolue d'abord vers ce qu'on a appelé tragi-comédie en se nourrissant d'intrigues de plus en plus romanesques. Mais doctes et dramaturges défendent un retour vers un modèle plus conforme aux canons antiques et elle devient finalement le grand genre de l'époque classique. C'est pourquoi les règles énoncées ci-dessus s'appliquent prioritairement à la tragédie.

Entre 1625 et 1660, la tragi-comédie domine incontestablement le théâtre. Son esthétique de la bigarrure, son jeu sur l’illusion et le provisoire, ses intrigues enchevêtrées et ses excès reflètent l’exubérance baroque. Ces pièces au dénouement heureux et à la mise en scène spectaculaire (voyages, combats, naufrages) racontent une série de péripéties qui peuvent s’étaler dans le temps (de quelques jours à plusieurs décennies). C’est une accumulation de situations sans unité structurelle forte, l’action s’arrêtant quand l'auteur le décide et non selon une logique narrative. La démesure imprègne le genre : érotisme, cruauté (meurtres, viols, tortures, suicides, qui se déroulent sur scène et non en coulisse), faux semblants (déguisements, folie, méprises, morts factices), aventures échevelées et amours contrariés. Les personnages sont alors typés (amants, rivaux, pères hostiles, tyrans cruels). La diversité est le maître-mot de cet univers. Autre caractéristique de la tragi-comédie : son mélange des tons, réunissant comédie et drame, langages noble et commun, rois et paysans. Ces particularités ont été théorisées dans la préface de Tyr et Sidon de Schélandre, rédigée par Ogier et devenue le manifeste de "l’irrégularité". Celui-ci y refuse les règles alors en train de s’affirmer et célèbre la "variété des événements" représentés.

Alexandre Hardy est le premier dramaturge à marquer ce genre. Il impose des sujets mythologiques, le romanesque et la morale édifiante (La Force du sang, 1625). En 1632, Clitandre de Pierre Corneille introduit l’unité de temps, première étape d’une normalisation de la luxuriance baroque. Le Cid, tragi-comédie du même Corneille (1637) favorise le succès de la tragédie malgré le procès qu’on lui fit à l’époque. La tragi-comédie connaît un regain après la Fronde, avec Quinault et Thomas Corneille (son Timocrate sera le plus grand succès du temps). Sous l’appellation de tragédie galante ou tragédie romanesque, c’est une adaptation au goût du jour de ce que fut la tragi-comédie. Les histoires en sont compliquées, l’action primordiale, les personnages univoques, les règles respectées. Après 1660, elle décline au profit d’une part de la tragédie et de la comédie, d’autre part de l’opéra et des pièces à machines

La tragédie se définit alors d'abord par son sujet et ses personnages. Une pièce tragique se doit d'avoir un sujet mythique ou historique. Ses personnages sont des héros, des rois ou du moins des personnages de la très haute noblesse. Le style adopté doit être en accord avec la hauteur de ceux qui profèrent le texte. La plupart des tragédies sont écrites en alexandrins et elles respectent toujours un style élevé. On a souvent assimilé tragédie et fin malheureuse. Même s'il est vrai que la majorité des tragédies finissent mal, ce n'est pas un critère de définition car certaines tragédies finissent bien.[10]

Comme dans le théâtre antique, la tragédie a une fin morale. Elle doit permettre aux spectateurs de s'améliorer sur le plan moral en combattant certaines de leurs passions. À la suite d'Aristote, on considère que la tragédie doit inspirer « terreur et pitié » face au destin de héros broyés par les conséquences de leurs erreurs. Ces deux sentiments doivent permettre aux spectateurs de se désolidariser des passions qui ont poussé les héros à agir et donc de ne pas les reproduire eux-mêmes. Par ailleurs, les théoriciens classiques ont repris à Aristote la notion de catharsis qui signifie approximativement purgation des passions. L'idée est qu’en voyant des personnages animés de passions violentes, les spectateurs accompliront en quelque sorte leurs propres passions et s'en libéreront.

Le grand tragédien classique est Racine. Il écrit des tragédies où les héros sont condamnés par la fatalité, enfermés dans un destin qui révèle l'absurdité de leur existence et ne peut les mener qu'à la mort.

Corneille évolue au cours de sa carrière du baroque au classique. Ses tragédies valorisent beaucoup plus le héros qui, quoique souvent condamné à une issue fatale, se réalise effectivement comme héros dans ses pièces. Corneille a d'ailleurs pu proposer l'identification au héros comme mode d'édification possible du spectateur.
Par ailleurs, se développent à l'époque classique des tragédies lyriques . Ce genre est notamment représenté par Philippe Quinault qui travaille en collaboration avec Lulli. Il mènera à la création de l'opéra français.


La tragédie classique est composée de cinq actes (séparés par des entractes), et le nombre de scènes par acte varie. L’action (l’intrigue) est issue de l’histoire ou de la légende ; les personnages sont généralement illustres et sont tourmentés par de fortes passions. La tragédie classique avait ses règles, dont la fameuse règle des trois unités (unité d’action, unité de temps, unité de lieu)

« [...] Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli. [...] »
Boileau, L’Art poétique , chant III.


Quelques grandes tragédies classiques :

Corneille (1606-1684) :

Le Cid (1636)
Horace (1640)
Cinna (1641)
Polyeucte (1643)

Racine (1639-1699) :

Andromaque (1667)
Iphigénie (1674)
Phèdre (1677)
Britannicus (1669)
Bérénice (1670)
Mithridate (1673)
Esther (1689)
Athalie (1691)

Quelques textes importants :

Alexandre Hardy, Ariadne ravie (1624) – Cornélie (1625) - La Force du sang (1625)

Jean de Schélandre, Tyr et Sidon (1628)

Pierre du Ryer, Clitophon (1628) – Agénis (1630)

Jean Rotrou, L’Hypocondriaque (1628) – Les Occasions perdues (1633)- Laure persécutée (1637)

Pierre Corneille, Clitandre (1632) – Le Cid : tragi-comédie (1637) – Dom Sanche d’Aragon (1650)

Jean Mairet : Les Galanteries du duc d’Ossone (1632) – L’Illustre corsaire (1640) – Athénaïs (1642) - Sidonie (1643)

Georges de Scudéry, Orante (1635) – Le Prince déguisé (1635) – L’Amour tyrannique (1639) – Arminius (1643)

Les Cinq Auteurs (Pierre Corneille, Jean Rotrou, Claude de L’Estoile, Guillaume Colletet,

François Le Metel de Boisrobert), L’Aveugle de Smyrne (1638)

Philippe Quinault, Les Coups de l’amour et de la fortune (1655) – Le fantôme amoureux (1656) – Amalasante (1656) – Le Mariage de Cambyse (1659) – Stratonice (1660)
Thomas Corneille, Timocrate (1656)

0 Comments:

Post a Comment

<< Home